Les utopiales
Édition 2023 – Transmission(s)
Du 1er au 5 novembre
« À ma mort, je souhaite léguer mon corps à la science-fiction. » Steven Wright
Les Utopiales 2023 sonderont les notions de transmission. Elles questionneront le partage et l’héritage, celui que nous recevons ou que nous léguons. Elles scruteront tout autant les moyens de ces transmissions, qu’ils induisent la propagation ou la rupture des paradigmes, conduisant l’humanité à avancer à tâtons vers l’inconnu et au-delà.
partage
Dans les romans post-apocalyptiques, le renouveau de l’humanité passe souvent par la découverte d’une antique bibliothèque de savoirs et techniques accumulés par les anciens. Ainsi, les dragons de Pern de la série d’Anne McCaffrey quittent le pays de la magie pour celui de la science… Mais les livres demeurent un support fragile, facilement banni voire détruit, et doivent alors être clandestinement préservés comme le fait le pompier de Fahrenheit 451. Pour déjouer ces vulnérabilités, il y a l’oralité ou les langages signés.
En sus du savoir, il nous faut partager les richesses pour financer notre système, les efforts pour ralentir le bouleversement climatique ou encore pour lutter contre l’injustice sociale. De Révolte sur la Lune de Robert Heinlein à La Tyrannie de l’Arc-en-ciel de Jasper Fforde, ces solidarités essentielles font, défont ou refondent les sociétés.
Les utopies, d’Utopia de Thomas More à La Machine à explorer le temps d’Herbert G. Wells n’ont cessé de disséquer les potentialités libératrices ou oppressives induites par la question du partage. Et peut-être est-il temps de songer à d’autres formes de partage de la Terre…
héritage
Héritons-nous du monde ou l’empruntons-nous à nos enfants ? L’apparition des mutants, tels les X-Men, est un héritage direct des terreurs biochimiques, comme les enfants de Minamata héritèrent des empoisonnements parentaux. En outre, ces blessés ou ces mutants racontent l’exclusion, la ségrégation, les génocides, tout ce que les mémoires devraient conserver à jamais, afin d’en éviter les désastreuses redites. Et donc, parfois, il nous faut enquêter, remonter le fil, pour entrer en possession du savoir oublié ou dissimulé sciemment. Koli, le héros de la trilogie Rempart de M.R. Carey, cherche dans l’humus la trace de l’histoire humaine, tandis que les membres de Fondation d’Isaac Asimov se sont donné pour tâche de gérer la période qui suivra l’effondrement annoncé de l’empire galactique humain.
Et quid des héritages embarrassants ? Faut-il encore envoyer les humains dans l’espace ou réserver notre énergie à la résolution des problèmes terrestres ? Abandonner le consumérisme et revenir à un monde où l’on chérit et répare les objets ? Les romans de science-fiction d’après-guerre, tels Gandahar de Jean-Pierre Andrevon, plaidaient déjà la désinnovation.
propagation
Le phénomène de propagation est le fait de s’étendre de proche en proche. Le son, la lumière, la chaleur, une rumeur, un virus biologique ou informatique se propagent. Et pourquoi pas la pensée ? Avec la télépathie dans À la Poursuite des Slans d’Alfred E. Van Vogt ou dans Niourk de Stefan Wul. Mais comment propager nos pensées avec nos lointains descendants ou avec d’autres espèces ? Quels messages envoyer ? Comment rester compréhensibles ? Combien de temps cela prendrait-il ? La physique limite les rêves d’une communication dépassant la vitesse de la lumière, semblable à celle de la saga Star Wars ou à l’Ansibled’Ursula K. Le Guin.
Cela n’empêche pas des auteurices de rêver d’extraordinaires vaisseaux voguant vers les étoiles en des croisières sans fin et sans escales. La science-fiction ne cesse de reculer les frontières du possible : voyages mentaux ou physiques dans le passé, le présent ou le futur, voire dans le corps humain, de Dune de Frank Herbert à La Planète des singes de Pierre Boulle jusqu’au Voyage Fantastique de Richard Fleischer. Dans notre élan à dompter notre propre monde, nous favorisons des espèces plus invasives que nous, quitte à le regretter amèrement tels les derniers humains du Monde Vert de Brian Aldiss ou les survivants de The Last of Us.
interruption
Soudain, tout s’arrête. Dans Doctor Who, l’archéologue River Song capture le temps et l’immobilise par amour, l’univers entier sombre alors lentement. Parfois, comme dans la série Révolution, brutalement, l’électricité ne fonctionne plus ou alors une gigantesque décharge électromagnétique détruit les ordinateurs de la planète. Les questions primordiales se reposent alors. Lorsque l’humain est obligé d’interrompre ses activités, la vie sauvage reprend ses droits et cicatrise la planète des blessures que nous lui infligeons quotidiennement. Nous l’avons perçu pendant les confinements successifs.
D’autres ruptures finirent par s’imposer et surent se montrer bénéfiques comme la disparition du commerce triangulaire. Même si l’esclavage nous poursuivra sans doute jusque dans les étoiles, comme Robert Heinlein nous en prévient dans Citoyen de la Galaxie.
Et puis, attendrons-nous l’interruption programmée des énergies fossiles ou des matières premières ? Attendrons-nous que les canicules anéantissent des populations ? Nous pourrions pourtant prendre des mesures. De même, nous pourrions soigner notre syndrome de Diogène et massivement freiner notre production de déchets.
Que transmettrons-nous à nos enfants, la fin ou le renouveau ?